Plus on approche de la perfection absolue, de la définition réaliste de l'image, plus se perd sa puissance d'illusion.
C'est toujours en ajoutant au réel, en ajoutant du réel au réel en vue d'une illusion parfaite (celle de la ressemblance, celle du stéréotype réaliste), qu'on tue l'illusion en profondeur.
C'est ce que nous avons désappris de la modernité : que c'est la soustraction qui donne la force, que de l'absence naît la puissance. Nous n'avons de cesse d'accumuler, d'additionner, de surenchérir. Et que nous ne soyons plus capables d'affronter la maîtrise symbolique de l'absence, c'est pour cela que nous sommes aujourd'hui plongés dans l'illusion inverse, celle désenchantée de la profusion, l'illusion moderne de la prolifération des écrans et des images.
Jean Baudrillard – "Illusions, désillusions esthétiques", © Ed. Sens & Tonka, 1997